The follow post initially appeared on ChristophVogel.net on 9 February 2015.
par Jean-Benoît Falisse, outreach and communications manager du Festival Amani 2015)
Il y a différentes façons de répondre à la question “quelle est la plus importante ressource de la République Démocratique du Congo?” Pour la plupart des observateurs, c’est sans aucun doute ses riches ressources naturelles : cuivre, cobalt, diamant, or, coltan et ‘three Ts’ (étain, tungstène, et tantalum) composent près de 80% des exports du pays. Pour d’autres, carrément cyniques, c’est sa pauvreté qui lui ramène le plus d’argent: 2.8 milliards de dollars d’aide en 2012. Mais depuis longtemps, tout qui connaît la RDC sait que son meilleur export c’est sa musique. Elle envahit depuis des décennies les boites de nuit d’Abidjan à Bruxelles, en passant par Montréal et Cape Town. Depuis l’indépendance, Franco, OK Jazz, et puis Papa Wemba, Pepe Kalle, Koffi, Fally Ipupa et tous les autres font danser les Congolais de toutes les ethnies et de toutes les provinces. Et le monde. C’est en misant sur cette fierté rassembleuse qu’un groupe d’enthousiastes gravitant autour du Foyer culturel de Goma a décidé d’organiser le festival Amani. La première édition a accueilli plus de 25000 festivaliers en février 2014. De l’organisation d’un tel festival que certains pensaient impossible, j’aimerais retenir quelques ingrédients, qui pourraient, qui sait, donner de la matière de réflexion à ceux qui ouvrent pour faire de l’ensemble de la RDC un grand festival pour la paix.
Local, local, local. Le festival Amani c’est avant tout un événement du Foyer Culturel de Goma, pour et par les jeunes de Goma. En amont du festival, il y a tout le travail des jeunes du Foyer Culturel et les « sanaa weekends », les concerts du samedi qui rassemblent jusqu’à 3000 personnes et permettent aux jeunes talents de s’exprimer. Le festival, comme la paix, s’ancre dans une longue construction. Semaine après semaine, jour après jour. Il y a certes un coup de pouce de quelques expatriés pour démarcher les sponsors et les artistes internationaux et alpaguer les médias internationaux, mais il vient appuyer et non diriger. Sans un profond ancrage local, le festival ne serait qu’une campagne de sensibilisation sans lendemain, comme les Kivus en ont trop vu.
Jeune. Mettre sur pied un festival comme Amani, c’est avant tout croire que ce genre de chose est encore possible dans le Goma d’aujourd’hui. C’est aussi disposer d’une énergie et d’un optimisme souvent plus présents chez les jeunes, soucieux de leur avenir, et moins rongés que beaucoup de leurs aînés par le cynisme de plus de deux décennies de conflit. La paix, comme le festival, est pour tous, mais elle se nourrit de l’enthousiasme de la jeunesse.
Faire des ONG et entreprises des partenaires. Qu’on les haïsse ou qu’on les adore, les ONGs et organisations internationales font désormais partie du paysage de l’Est du Congo. Le festival entend cependant être un festival de musique pour les Gomatraciens et les gens de la région – avec un message de paix pour seul agenda. Faut-il pour autant se passer des ONGs et des entreprises et jeter à la poubelle leurs projets et message ? La réponse est bien évidemment non et la solution a été d’intégrer les ONG, mais aussi les partenaires privés soucieux du développement de la région, dans un village humanitaire qui donne de l’épaisseur à l’évènement. “Avec nous, mais pas dans le siège du conducteur” est notre mot d’ordre.
Un projet nécessairement régional. Il existe toute une littérature scientifique sur l’effet du “bad neighbour”: elle prédit qu’un voisin qui va mal va, à la longue, vous déstabiliser. Plus simplement, la musique comme la paix se sont toujours assez mal accommodées des frontières. Amani (festival) ne peut se faire qu’en apprenant à respecter et apprécier la culture de nos voisins, d’où leur présence en invités, sur la scène principale.
Au-delà des intérêts particuliers. La difficulté d’Amani c’est aussi d’arriver à faire en sorte qu’il reste un festival pour tous, au-delà des clivages, des affinités et des intérêts particuliers. La préparation qui a fait le succès d’Amani n’a pas consisté à se mettre en retrait de la vie à Goma mais bien à inclure tous les acteurs de la vie de Goma, tout en laissant l’exclusivité de la scène aux artistes. Une paix durable dans l’Est du Congo ne viendra que si elle est l’œuvre de toutes les parties impliquées, au bénéfice de tous, et non pas au service d’intérêts particuliers.
Persévérer. En août 2012, à une semaine de la date prévue pour la première édition du festival, le M23 mettait unilatéralement fin un au cessez-le-feu et lançait ses roquettes sur Goma. La situation allait rapidement dégénérer et mettre les organisateurs du festival Amani face à un dilemme: annuler un festival pour la paix à cause des bombes ou mettre danger la vie de milliers de festivaliers? La 31 août, la mort dans l’âme et deux jours avant le début du festival, les organisateurs décidaient d’annuler l’événement. Ou plutôt de le reporter. Six mois plus tard Goma chantait et dansait.
Le festival Amani ne sauvera pas l’est du Congo, tout au mieux apportera-t-il encore une fois cette année une raison pour les Gomatraciens de se réjouir. Il ne détient pas de solutions toutes faites pour la paix et ne prétend pas donner de leçon, mais peut-être pourra-t-il donner de la matière à réfléchir à ceux qui osent penser et s’engager pour la paix.
Soutenez le festival Amani et venez vous réjouir avec nous les 13, 14 et 15 février à Goma, College Mwanga.